dimanche 21 août 2011

& LIRE - "Furie" de Salman Rushdie

Rushdie et ses mots qui éveillent l'esprit et bercent l'âme à la fois... Rushdie, dont je vous ai déjà parlé aux débuts du blog. On pourrait prendre chacun de ses mots pour en décorer son cœur, tant sa vision du monde, de la vie, de l'amour est juste, tant il sait nous faire pénétrer la personnalité de ses protagonistes à nous rendre schizophrènes, avec un brio sans cesse supérieur.

On retrouve dans le remarquable Furie, paru en 2001 et sujet de l'article d'aujourd'hui, la prépondérance de la critique de l'Amérique et de sa population, de la désillusion et des excès sans limites qui découlent de rêves brisés, piétinés, dénaturés chez la nouvelle génération du continent américain... Amérique où l'auteur brittanique d'origine indienne s'est lui- même exilé depuis la fatwah lancée contre lui par l'ayatollah Kohmeini, qui condamnait avec véhémence les Versets Sataniques (1988, réédité en 1999).

Qu'était-il advenu de cette quête des clefs secrètes qui ouvraient les portes de l'exaltation ? Qui avait démoli le Capitole pour le remplacer par une rangée de chaises électriques, ces machines de mort démocratiques où tous, innocents, coupables, attardés mentaux, pouvaient venir expirer côte à côte ? Qui avait pavé le Paradis pour y construire un parking ?

On peut concéder à la critique une certaine impatience qu'on ressent durant les cent premières pages. Le roman met du temps à démarrer, il tourne un peu en rond, est oppressant et agaçant (et peut-être est-ce une volonté de la part de l'auteur), mais il est certain que l'on fait bien de s'accrocher ! Une intrigue riche, bordélique et torturée à souhait nous tend les bras au sortir du purgatoire.
La construction du roman s'organise ici autour d'un triangle, contrairement à celle des Versets Sataniques ou encore de Shalimar le clown qui opposaient systématiquement deux camps, généralement symbolisant l'un le Bien, l'autre le Mal.

En effet, dans Furie, Malik Solanka vit dans la peur d'être entraîné, malgré sa résistance farouche, par ses démons intérieurs qu'il identifie aux Furies, divinités maléfiques de la vengeance, appelées également Erynnies.

Erynnie représentée par le grand Salvador Dalì
  Partout,  se disait le professeur Malik Solanka, régnait la fureur. Il suffisait de prêter l'oreille pour entendre à tout moment les battements d'ailes des sombres divinités. Tisiphone, Alecto, Mégère : les anciens grecs avaient tellement peur d'elles qu'ils n'osaient même pas les appeler par leur vrai nom. Prononcer ce nom, Erynnies, c'était prendre le risque d'attirer sur soi l'ire fatale de ces dames. Voilà pourquoi ils qualifièrement ironiquement le trio infernal de "bienveillantes" :  les Euménides. Mais l'euphémisme, hélas, n'adoucit en rien leur sale caractère.


De plus, trois femmes évoluent autour de Solanka, à savoir son épouse Eleanor à Londres, abandonnée avec leur fils Asmaan par le professeur et ce sans explication, suite à un évènement dangereux et impardonnable survenu dans sa vie ; la sulfureuse Mila, femme-enfant dévastatrice qui fera revivre la flamme de l'inspiration dans le coeur  de Solanka, le menant à la création prolifique des Rois Pantins ; enfin la troublante Neela Mahendra, personnification d'Aphrodite à la passion et aux convictions sans bornes.
Le triangle est une image très forte symboliquement, réprésentant notamment l'équilibre, mis en opposition avec l'état d'esprit chaotique et instable du personnage central de l'histoire.

La Beauté est un concept particulièrement mis en valeur dans cet ouvrage où Salman Rushdie loue son caractère auto-suffisant, entre autres.

La beauté physique absolue attire à elle toute la lumière, et devient un flambeau radieux dans un monde par ailleurs obscurci. Pourquoi sonder les ténèbres environnantes alors qu'il était possible de contempler cette bienveillante flamme ?


Mais d'autres sujets sont abordés en profondeur et avec emphase par l'auteur, tels l'importance d'avoir des principes et le déni de ceux-ci, les circonstances qui y poussent, la rationalité... 
On remarque aussi l'omniprésence de la passion, de l'excitation de sentiments ressentis de nouveau quand on croyait les avoir ensevelis... L'amour est en définitif le sujet principal de cette œuvre aux axes pourtant très variés, mêlant les émotions à la révolution politique, les idéaux propres à l'humanité toute entière et le désir sexuel. Deux types d'amour sont opposés cependant : l'un ambigu et destructeur (Mila) et l'autre passionné et salvateur (Neela).

Et revoilà l'euphonie, pensa t-il : Neela, Mila. Le désir me rattrape et me lance des rimes en guise d'avertissement. 

C'est aussi là qu'entrent en scène les Rois Pantins, objets de l'imagination renaissante du Professeur Solanka, cyborgs ayant tout de l'être humain sauf le caractère biologique. La question soulevée dans leur révolte contre leur créateur est de savoir si le statut d'humain leur appartient... et en cela, on pourra toujours extrapoler en définissant ce que l'on peut, moralement, qualifier d'humain ou de non-humain


L'homme est né dans les chaînes mais partout il cherche à s'affranchir.

Et c'est bien ici la réaction des créations d'Akasz Kronos, avatar de Solanka dans le récit.


En réalité, Rushdie met en paroles formidablement construites ce dont l'Homme a trop peur d'avoir pleinement conscience, et ce d'une façon qui séduit le lecteur sans le déranger. Quoi de plus naturel chez une plume aussi talentueuse ?
Ceci dit, toujours poussé par sa réflexion sur la complexité de l'âme et de la morale humaines (abordée dans nombre de ses ouvrages), l'auteur distingue deux parts de cette âme, l'une que l'on refoule immanquablement, et l'autre que l'on porte en bannière, ou en masque quotidiennement.


Nous sommes faits d'ombre aussi bien que de lumière, de chaleur autant que de poussière. La naturalisme, la philosophie du visible, ne peut nous contenir, car nous débordons. Nous avons peur de ce moi obscur et enfoui qui outrepasse, enfreint, mue, transgresse, s'immisce. C'est lui le véritable fantôme dans la machine. Ce n'est ni dans les limbes ni dans quelque sphère prétendument immortelle mais ici, sur terre, que l'esprit s'affranchit des chaînes de notre conscience.Il peut se changer en courroux, exacerbé par sa captivité, et dévaster le monde de la raison.



lundi 1 août 2011

& ECOUTER - "The geeks and the jerkin socks" de Shaka Ponk


Le blog accueille aujourd'hui Shaka Ponk, ma RE-découverte de cet été, une folie contagieuse et complètement magique mélangeant tous les genres de rock, avec des accents electro, reggae, latino ou encore punk ... qui passe direct dans le sang !

Après Loco con da frenchy talkin (2006, réédité en 2009) et Bad porn movie Trax (2009), deux opus aussi efficaces que joyeusement barrés, les parisiens de Shaka Ponk et leur nouvelle chanteuse Samaha s'engagent sur une pente plus pop, plus homogène avec The geeks & the jerkin socks (oui, ils aiment les titres d'album longs) dont je vais vous parler aujourd'hui. 


A la première écoute, et même après les quelques suivantes, ce dernier album a tendance à laisser un arrière-goût un peu frustrant. En effet, connaissant le passif du groupe, on s'attend à plus... Surprenant, plus délirant, plus risqué, dans la veine d'un French touch (puta madre) ou d'un Spit par exemple. D'ailleurs, un fan de BPMT aura tendance à craquer plus facilement sur le titre Reset after all qui reste exactement dans la même veine et pour cause, il a été créé pour l'album précédent et n'y a pas été intégré au final (et merci à mon informateur VIP sur ce sujet).

Mais au final, l'élan de curiosité passé, cet album s'avère tout aussi retentissant que ses prédécesseurs, avec une touche somme toute un peu plus mature dans la réalisation et l'enchaînement des morceaux, qui coulent comme un bon Daïquiri à la fraise sous le soleil couchant de fin juillet.
Parce qu'après tout, la promesse de Shaka, c'est une fête auditive sans faille et en cela, Frah et ses acolytes n'ont jamais déçu leurs addicts !

Frah et Goz, la mascotte simiesque du groupe.

The geeks & the jerkin socks  remplit donc sa mission en mettant un sourire sur toutes les lèvres, une envie de danser dans tous les postérieurs et de chanter en chœur dans toutes les gorges, et ce grâce à des bombes vitaminées comme Let's Bang qui ouvre à merveille l'opus, I'm picky ou Shiza Radio qui part joliment en vrille.

I'm Picky and all the girls I drive them crazy
I drive them crazy cos I'm sexy
They call me sexy cos I'm hot, catch my knot
Don't you know I am so hot cos I am picky
And everything is in the lack
The lack of me into you thing makes you scream my name 


Et comme il faut bien en parler, pour les amateurs, cet album contient également Palabra mi amor, en featuring avec Bertrand Cantat de feu-Noir désir. J'avoue ne pas avoir suffisamment d'objectivité concernant ce monsieur pour avoir un avis impartial sur cette collaboration, sa voix est traînante, agaçante et ne colle pas le moins du monde au style du groupe...cependant pour ceux qui aiment, je suppose qu'il y a de quoi se ravir. Par contre, le refrain est génial !

Sam et son costume en body painting, live aux Solidays 2011

Un album en somme plein d'énergie et de bonne humeur, rehaussé de la voix de Samaha qui nous semble avoir toujours été là, et pour le meilleur uniquement ! Et pour que je dise ça d'une voix féminine il en faut...
Shaka Ponk, après quelques concerts estivaux (que j'ai lamentablement ratés) se produiront au Zénith de Paris le 25 novembre 2011. Il va sans dire que vous devez vous attendre à un live report en bonne et dûe forme !
Et pour ceux qui tueraient pour y aller après avoir lu cet aperçu merveilleux du monde Shaka Ponkesque, n'hésitez plus, c'est un vendredi soir !

 
Hey you're the one I like
I wanna share your love tonight
I wanna smoke your special thing
Let's Bang bang bang