mardi 19 octobre 2010

& LIRE - Chuck Palahniuk (Fight Club)



"Si vous lisez ceci, alors cet avertissement est pour vous. Chaque mot que vous lisez de ce texte inutile est une autre seconde perdue dans votre vie. N’avez-vous rien d’autre à faire ? Votre vie est-elle si vide que, honnêtement, vous ne puissiez penser à une meilleure manière de passer ces moments ? Ou êtes-vous si impressionné par l’autorité que vous donnez votre respect et vouez votre foi à tous ceux qui s’en réclament ? Lisez-vous tout ce que vous êtes supposés lire ? Pensez-vous tout ce que vous êtes supposés penser ? Achetez-vous ce que l’on vous dit d’acheter ? Sortez de votre appartement. Allez à la rencontre du sexe opposé. Arrêtez le shopping excessif et la masturbation. Quittez votre travail. Commencez à vous battre. Prouvez que vous êtes en vie. Si vous ne revendiquez pas votre humanité, vous deviendrez une statistique. Vous êtes prévenu..." Tyler Durden




Chuck Palahniuk est l'auteur du très controversé Fight Club, qui même si l'on connait beaucoup mieux le film (1999), est avant tout un roman édité en 1996.
Il a été accusé d'appeler à la violence, et de glorifier l'anarchie... Si seulement on prenait un peu le temps de lire entre les lignes, on se rendrait simplement compte que Fight Club est une dénonciation plus qu'un manifeste.
Oui, Chuck Palahniuk a un léger souci avec les Etats Unis d'Amérique, comme on peut le voir dans le reste de sa bibliographie (voir fin de l'article). Oui, il écrit franchement, sans fioritures, crûment parfois, et il n'a pas froid aux yeux. Vous me direz que de toute façon, plus tu provoques, plus on t'aime aujourd'hui, mais il y a dix ans les élucubrations fantasques de Tyler Durden et consorts ont tout de même reçu un accueil plus mitigé.

"J’avais envie de loger une balle entre les deux yeux de tous les pandas qui n’étaient pas foutus de baiser pour sauver leur espèce."

Fight Club transcrit, à travers un personnage malade et a priori sans interêt, les maux des générations d'aujourd'hui. On ne sait plus à quel saint se vouer, si tant est qu'on en ait encore envie. L'humanité cherche une nouvelle identité, elle veut s'affranchir du passé en démarrant quelque chose de nouveau, qui reste bloqué au point de départ car personne n'a le courage d'appuyer sur START.
Le narrateur de Fight Club est ce type qu'on peut croiser au supermarché ou dans l'avion, ce mec qu'on ne remarque même pas. Ce mec qui ne sert à rien, et qui malheureusement pour lui , en a pris conscience. D'où les démarches de son inconscient pour faire exister cet esprit inerte, car seul son inconscient lui fait passer les barrières qu'il s'est mises lui même, comme nous le faisons tous : la peur d'essayer, la peur d'échouer, la peur de l'avenir, la peur de réussir.



Cet anti- héros n'a jamais vraiment les yeux ouverts, ce pourquoi il est présenté comme insomniaque. Il voit passer la vie sans vraiment y participer.

"C’était du grand art. On revendait à des femmes pleine de cash la graisse de leurs propres culs."

"La guerre est naturelle et découle de l'avoir", dit Bergson. Fight club est une traduction développée de cette pensée, car Palahniuk utilise aussi ce livre comme un vecteur pour exprimer son dégoût de ce qu'on appelle la "société de consommation": c'est bien de posséder, mais jusqu'à quel point? ne vient-il pas un moment où le zèle que l'on met à avoir toutes ces "choses" devient ridicule, voire puéril? L'être humain est rassuré par le fait de posséder, tout comme par celui d'appartenir. Il peut aller jusqu'à sa mort de cette façon, en restant enfoui sous sa montagne d'objets bien à lui qu'il a mis si longtemps à ériger. Mais où est l'accomplissement de soi dans la possession ?
Devrait-on menacer les gens de mort pour qu'ils poursuivent enfin leurs rêves et leurs objectifs, comme Tyler le fait avec Raymond K.Hessel, qui travaille dans une épicerie de quartier au lieu d'être vétérinaire...?

"Quand on souffre d’insomnies, on n’est jamais vraiment endormi et on n’est jamais vraiment éveillé. "

C'est triste, mais c'est un peu le constat que l'on fait tous les jours, quand on se dit qu'on aurait pu faire mieux.
Ce livre nous incite juste à vivre pour de vrai. A nous battre, non pas contre d'autres humains mais contre les obstacles mentaux ou sociaux  que nous rencontrons, qui nous empêchent d'avancer.

Je tiens d'ailleurs à faire une aparté : le livre ne se termine pas, comme le film, sur un semblant de happy end genre "tout va s'arranger" à l'américaine. La fin du livre est la fin Parfaite, pour cet ouvrage: on n'en sort jamais. Mais pour ceux qui ne l'auraient pas lu, je préfère vous encourager à le faire plutôt que de vous détailler le dénouement.


"La première règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club.
La seconde règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club.
Troisième règle du Fight Club : quelqu’un crie stop, quelqu’un s’écroule ou n’en peut plus, le combat est terminé.
Quatrième règle : seulement deux hommes par combat.
Cinquième règle : un seul combat à la fois, messieurs.
Sixième règle : pas de chemises, ni de chaussures.
Septième règle : les combats continueront aussi longtemps que nécessaire.
Et huitième et dernière règle : si c’est votre première soirée au Fight Club, vous devez vous battre ! "


Et pour faire plaisir aux cinéphiles pour qui Fight Club reste encore un monde inconnu, voici le trailer.
Avec des acteurs aussi époustouflants que Edward Norton & Brad Pitt, et un réalisateur comme David Fincher (Alien 3, Seven, Benjamin Button)... Forcément, le film est bon. OUI, il est bon. Si vous n'aimez pas lire, passez deux heures devant la télé.
Pour la bibliographie de Chuck Palahniuk, je dois avouer ne plus suivre ses parutions depuis quelques temps. Ceci dit, voici la liste des ouvrages de cet auteur que j'ai lus, avec en lien une Wikidescription et une appréciation personnelle qui pourraient au moins vous inciter à me demander des informations, au mieux à les lire , et au summum, je ferai un article sur mesure à qui voudra.

Fight Club , 1996 (VF & VO) ... Voilà !
Survivant, 1999 (VF) : Un beau pamphlet anti-culte de la célébrité et du futile.
Monstres invisibles, 1999 (VF) : Montre l'importance des apparences dans le monde d'aujourd'hui, et combien tout perdre peut transformer un être humain.
Choke, 2001 (VF) : Sur un sexoolique, écrit dans la veine, donc trop cru pour moi...
Berceuse, 2002 (VF) : Mon préféré. Une belle poursuite d'un objectif dans la vie d'un homme, une merveille au niveau de l'idée et de maniement de l'intrigue.
Diary, 2003 (VO) : Flippant. C'est incroyable comme la monotonie et la paranoia peuvent être flippantes.
Haunted, 2006 (VO) : Dégoûtant ! haha, il m'a fait bien rire dans son ignominie celui-ci. Chuck nous expose comment la vie peut faire qu'un jour, toutes nos perversions se retrouvent être nos principaux traits de caractère. 

jeudi 14 octobre 2010

& REGARDER - Banksy

De retour, j'éspère plus régulièrement maintenant !



Je reviens donc avec un article tout frais sur Banksy, un artiste de rue originaire de Bristol dont j'ai récemment pu voir les oeuvres engagées dans le marché de Camden, à Londres. Il travaille au pochoir et à l'idée lumineuse, avec une efficacité hallucinante.






Comme beaucoup des bonnes choses de Londres, Banksy est "underground". Il dénonce tout ce qu'il y a à dénoncer, il le fait en une image, un coup de spray là où ça fait mal. Et le fait très bien, tout en jouant avec le mobilier urbain et la configuration des lieux où il décide de poser sa contestation.


Représentant souvent des rats comme porte-paroles (probablement parce qu'ils sont les reflets de la société humaine moderne dans l'imaginaire commun), ses graffitis bicolores sont empreints de poésie, et la force du message n'en est que sublimée.

Banksy est un Hermès londonien, distribuant des images qui au moins font sourire, ce qui est déjà une brusque avancée dans une vie de routine, et au mieux donnent l'espoir et avivent une envie de changer le monde qui font battre le coeur de leur auteur.
Un auteur qui d'ailleurs fait bien peu de cas de son Copyright : Allez donc voir la rubrique SHOP de son site internet ! (où vous pourrez aussi admirer plus de ses oeuvres, y compris des vidéos)

Banksy se bat , en quelque sorte, pour donner des couleurs à la grise ville qu'est Londres à l'extérieur.La dénonciation est facile quand on n'a pas de visage, me direz-vous, mais elle est ici créative, passionnée et désinteressée (sans compter la prise de risque, la police britannique... n'est pas vraiment le genre à rigoler.)

Je continue donc avec un petit florilège de mes "Banskysmes" favoris, et vous laisse en compagnie d'un petit lien vers la seule interview donnée par cet artiste à Simon Hattenstone du Guardian en 2003 (en anglais).