jeudi 24 février 2011

& VOIR - Black Swan de Darren Aronofsky

Parce qu'une fois n'est pas coutume, ce soir vous est livrée une courte mais j'espere intense et concise review de l'époustouflant "Black Swan", sorti en France le 9 février 2011, autrement dit il y a deux semaines de cela.



 Black Swan , ou le côté obscur de la passion. On ne m'en veut pas pour le clin d'oeil bidon à Natalie Portman hein...

Les choses que l'on trouve les plus belles sont souvent les plus tristes. La passion fait partie de ces choses, illustrée avec brio dans  Black Swan , à la fois glorification brillante de la passion et violent avertissement contre celle-ci.

Un film poignant, contradictoire, miroir de la schizophrénie de l'héroïne. Nina est une danseuse discrète et douce, qui rêve d'incarner la Reine des Cygnes dans le célèbre ballet de Tchaïkovski, et sa passion pour le rôle à double tranchant du cygne blanc et du cygne noir finira par la posséder entièrement, lui faisant découvrir son propre côté sombre dans la poursuite de la perfection.
Le film est tourné la plupart du temps comme si l'on suivait l'héroïne, comme si la caméra était la présence, le souffle dans son cou, les murmures dans son oreille, ce qui ajoute à la tension dramatique. Tout cela sans compter des épisodes d'une violence presque incongrue, à la limite du gore, qui dérangent et interloquent le spectateur, le laissant aussi confus que l'esprit de la jeune danseuse.

L'angoisse, l'appréhension nous oppressent durant ces deux heures à regarder la paranoïa s'emparer de Nina, ne sachant où s'arrête la réalité pour laisser place à son imaginaire délirant, envahi par les ténèbres, engorgé par la peur d'échouer, étouffant sa confiance en elle et ses repères.
Au risque de me répéter, un pamphlet honorant les affres de la passion et la folie (oserons-nous dire meurtrière?) qui y mène, à voir absolument.




lundi 14 février 2011

& LIRE - Oscar Wilde & Le portrait de Dorian Gray.

Dans l'article sur Pilgrim de T.Findley vous était annoncée l'arrivée prochaine du magnifique Oscar Wilde sur la Parenthèse. Eh bien, le voici, plus grand, fastueux, torturé et cynique que jamais à travers son chef d'oeuvre : Le portrait de Dorian Gray!

"Chaque fois qu’on produit un effet, on se donne un ennemi. Il faut rester médiocre pour être populaire."

Tout d'abord, il est de bon ton de dire quelques mots sur l'auteur admiré : irlandais fantasque et plein d'esprit, Oscar a fait ses armes à Londres, se démarquant longtemps par sa personnalité plus que par ses écrits. Il était connu, aimé et detesté pour ses traits d'esprit parfois discutables, son humour tranchant et sa légendaire volubilité. Il prônait la théorie de l'art pour l'art et l'esthétisme était sa religion, se référant sans cesse aux canons de beauté antiques.
Après une période sociale et littéraire très heureuse, l'écrivain et défenseur du féminisme de l'époque se retrouve emprisonné par l'influent père de son amant pour "sodomie", l'homosexualité n'étant pas imaginable pour les gens bien pensants de l'époque... Et le rebelle de la haute société tombe en disgrâce, son premier amour (féminin) fuit le parjure avec ses deux enfants en Hollande sous un faux nom.
Malade depuis longtemps, Oscar finira sa vie en 1900, à l'âge de quarante-six ans, sous les toîts de Paris, sous le pseudonyme de Sébastien Melmoth. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise, dans une tombe spectaculaire célébrant son art et recouverte des baisers de ses nombreux admirateurs...

Oscar et son amant Alfred Douglas

Retrouvez ici un superbe stop-motion reprenant les étapes principales de la vie d'Oscar Wilde. C'est frais, doux, et plein de poésie. Un parfait rêve esthétique.

"Dire qu'un livre est moral ou immoral n'a pas de sens, un livre est bien ou mal écrit c'est tout."

Et durant cette période faste mentionnée précédemment, le grand homme a trouvé l'inspiration en partie dans sa propre personnalité pour livrer au monde en 1891 le personnage de Dorian Gray.
Jeune homme de bonne famille aux traits parfaits et à qui l'avenir sourit, Dorian Gray rencontre chez un ami peignant son portrait le fringant Lord Henry Wotton, qui sèmera le doute dans son coeur juvénile et lui signifiant le caractère éphémère de sa jeunesse et de sa beauté. Le jeune garçon troublé fait alors le souhait de ne jamais vieillir... Ainsi, le portrait une fois terminé vieillira à la place de Dorian, sur qui le vice, la méchanceté, l'alcool et les femmes n'auront plus de prise temporelle.

"Il n’y a que les esprits légers pour ne pas juger sur les apparences. Le vrai mystère du monde est le visible, et non l’invisible."

L'auteur a semé son caractère à travers ses personnages principaux, et c'est ce qui fait toute leur richesse : son amour du beau dans le peintre Basil Hallward, qui réalisera le portrait de Dorian, son cynisme et son fatalisme dans Lord Wotton, et sa candeur, son amour de vivre et sa sociabilité dans Dorian, avant qu'il ne soit perverti.

"L'humanité se prend trop au sérieux. C'est la péché originel de notre monde. Si l'homme des cavernes avait su rire, le cours de l'histoire eut été changé."

Ce livre est, sans subjectivité aucune, parfaitement écrit. Les phrases, les mots, les virgules sont dosés de façon à faire chanter les pages, l'intrigue est menée avec douceur et finesse, en disséminant quelques passages violents de réalisme et durs à imaginer à la fois. Les thèmes de la société contemporaine, de l'amour, de la jeunesse, de la beauté, du temps, sont traités sous leur aspects les plus fascinants.
Ce qu'il faut en retenir ? le cynisme délicat, aux accents cruels mais pleins de réalisme fataliste de Lord Wotton. Mais aussi et surtout l'influence perverse de la société sur la nature humaine, une entité bien fragile et malmenée de toutes parts que Wilde a su mettre en évidence avec brio.

Un livre qui, assurément, devrait être sur la table de chevet de tout littéraire qui se respecte, aussi pour son actualité désarmante. Oscar Wilde était un visionnaire, et ce qu'il dénonçait hier est encore valable aujourd'hui. Ses vérités se dépeignent dans le comportement de nos congénères de la race humaine tous les jours.
Il nous transporte avec classe dans le Londres du 19e siècle, ses lords et ses ladies, ses codes et ses tabous. Londres, une ville chérie de l'irlandais à l'époque, mais aussi de votre serviteur, qui aujourd'hui transpose ses rêves d'indépendance à Soho, sa soif de culture à Kensington... Sa vie en somme, au pied de la Tamise.

"Il y a certaine volupté à s'accuser soi-même. Dès que nous nous blâmons, il nous semble que personne d’autre n'a plus le droit de le faire."


J'aimerais écouter mon envie de citer tous les aphorismes amusants ou critiques d'Oscar Wilde dans cet article, qu'ils soient extraits de Dorian Gray ou d'autres oeuvres, mais par souci de légèreté, je vous invite à aller en consulter une petite partie ici.

Mais pour finir je vous laisserais tout de même sur la très célèbre :

"Le meilleur moyen de faire cesser la tentation , c'est d'y succomber."

A bon entendeur....