On retrouve dans le remarquable Furie, paru en 2001 et sujet de l'article d'aujourd'hui, la prépondérance de la critique de l'Amérique et de sa population, de la désillusion et des excès sans limites qui découlent de rêves brisés, piétinés, dénaturés chez la nouvelle génération du continent américain... Amérique où l'auteur brittanique d'origine indienne s'est lui- même exilé depuis la fatwah lancée contre lui par l'ayatollah Kohmeini, qui condamnait avec véhémence les Versets Sataniques (1988, réédité en 1999).
Qu'était-il advenu de cette quête des clefs secrètes qui ouvraient les portes de l'exaltation ? Qui avait démoli le Capitole pour le remplacer par une rangée de chaises électriques, ces machines de mort démocratiques où tous, innocents, coupables, attardés mentaux, pouvaient venir expirer côte à côte ? Qui avait pavé le Paradis pour y construire un parking ?
On peut concéder à la critique une certaine impatience qu'on ressent durant les cent premières pages. Le roman met du temps à démarrer, il tourne un peu en rond, est oppressant et agaçant (et peut-être est-ce une volonté de la part de l'auteur), mais il est certain que l'on fait bien de s'accrocher ! Une intrigue riche, bordélique et torturée à souhait nous tend les bras au sortir du purgatoire.
La construction du roman s'organise ici autour d'un triangle, contrairement à celle des Versets Sataniques ou encore de Shalimar le clown qui opposaient systématiquement deux camps, généralement symbolisant l'un le Bien, l'autre le Mal.
En effet, dans Furie, Malik Solanka vit dans la peur d'être entraîné, malgré sa résistance farouche, par ses démons intérieurs qu'il identifie aux Furies, divinités maléfiques de la vengeance, appelées également Erynnies.
Erynnie représentée par le grand Salvador Dalì |
De plus, trois femmes évoluent autour de Solanka, à savoir son épouse Eleanor à Londres, abandonnée avec leur fils Asmaan par le professeur et ce sans explication, suite à un évènement dangereux et impardonnable survenu dans sa vie ; la sulfureuse Mila, femme-enfant dévastatrice qui fera revivre la flamme de l'inspiration dans le coeur de Solanka, le menant à la création prolifique des Rois Pantins ; enfin la troublante Neela Mahendra, personnification d'Aphrodite à la passion et aux convictions sans bornes.
Le triangle est une image très forte symboliquement, réprésentant notamment l'équilibre, mis en opposition avec l'état d'esprit chaotique et instable du personnage central de l'histoire.
La Beauté est un concept particulièrement mis en valeur dans cet ouvrage où Salman Rushdie loue son caractère auto-suffisant, entre autres.
La beauté physique absolue attire